Interview Dave Murray

Dave Murray

Traduction d’un article paru sur MusicRadar le 3/12/2015

par musky00

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Pour un 16ème album, on pardonnerait à la plupart des groupes de se reposer sur les lauriers des précédents tubes de leur énorme catalogue. Mais Iron Maiden ont déjà prouvé qu’ils n’étaient pas "la plupart des groupes". Ils viennent juste de sortir un double album de 90 minutes et ont décidé, ce faisant, de bouleverser leur processus de création.

Dans le tourbillon de créativité de The Book Of Souls, on trouve une paire de mains appartenant à un homme dont le legato fluide et le sourire facile sont synonymes de l’héritage du groupe. Dave Murray est une pierre angulaire d’Iron Maiden depuis 1978 (il a d’abord rejoint le groupe puis l’a quitté en 1976), ayant été tout d’abord partenaire du guitariste Dennis Stratton pour l’album éponyme du groupe en 1979, puis rejoint par son ami d’enfance Adrian Smith pour des harmonies jumelles et des duels de soli pour la plus grande série créative d’albums jamais vue dans le heavy metal.

Janick Gers aurait éventuellement pu remplacer Smith en 1990, mais le retour de ce dernier au sein du groupe en 1999 a conduit à la première formation de Maiden à trois guitares, qui a commencé en 2000 avec Brave New World. Ce disque avait été enregistré au studio Guillaume Tell à Paris et pour The Book Of Souls, le groupe a repris le chemin de ce studio, à nouveau sous la houlette enthousiaste du producteur de Joe Bonamassa, Kevin Shirley – un homme qui encourage positivement le spontané Dave dans ses explorations pour Maiden.

Dave Murray

Vous êtes-vous étonnés vous-mêmes de la quantité de matériel que vous aviez ?

"Je pense que oui, vraiment. Sur les albums précédents, nos allions en répétition pour peut-être deux semaines en ayant 4 ou 5 chansons sous le coude. Ensuite nous entrions en studio et commencions à enregistrer et le reste des chansons était écrit à ce moment. Mais cette fois, nous sommes arrivés au studio avec une page blanche et une tonne d’idées.

Lorsque nous avons eu plusieurs chansons, et de toute façon il était temps, nous nous sommes dits en quelque sorte ‘Ok, on dirait que ça va être un double album…’ C’était fantastique mais nous avons arrêté là – sinon ous aurions fait un triple ou un quadruple album !"

Qu’est-ce qu’implique un processus de création spontané ?

"Tout a été centralisé par Steve. Il a écouté les idées de chacun, puis il a commencé à assembler les pièces et à les mettre en forme. Nous avons appris cela et Kevin Shirley a appuyé sur le bouton d’enregistrement et nous y sommes allés.

Beaucoup de choses étaient très spontanées. Nous essayions peut-être deux fois et si c’était vraiment une très bonne idée, alors nous la gardions.
D’autres choses, les parties complexes, ont pris un peu plus de temps à travailler, avec tous les changements de tempo. Mais ce fut une expérience vraiment amusante parce qu’il fallait rester sur le qui-vive. Il fallait être vraiment pointu.

Nous griffonnions les accords de guitare, puis les mélodies et les harmonies, les changements… Nous restions attentifs parce que nous ne savions pas ce qui allait arriver ensuite. Nicko était celui qui devait vraiment commencer : les fondations. Ensuite, on y va et on fait les arrangements. Mais c’était merveilleux de voir comment les choses coulaient d’elles-mêmes".

Tu as écrit le titre Man Of Sorrows avec Steve. Était-ce une collaboration différente de celle que vous avez eue tous deux dans le passé ?

"Ces dernières années, j’allais chez lui ou nous travaillions dans une chambre d’hôtel. Mais sur cet album, nous avons donné à Steve nos idées sur un CD et il les a emmenées, écoutées et probablement arrangé certaines parties. Il peut écrire des textes et ajouter des mélodies, mais Bruce a écrit beaucoup de paroles également. Parfois, il peut laisser une démo entière telle quelle. C’est un bon moyen de collaborer parce que de temps en temps il faut quelques écoutes quand on montre une idée à quelqu’un.

Parfois, Steve est inspiré immédiatement par une mélodie. D’autres fois, il emporte le matériel et travaille dessus. De temps à autres, dans le studio, on a besoin d’aller dans un endroit calme, de s’asseoir et de réfléchir aux choses, loin des distractions.

Pour cet album, nous avons donné nos idées à Steve et il a pu les raccorder après les avoir écoutées. Puis nous avons écouté le réinterprétation, commencé à écrire les cordes et comme Nicko était à l’écoute, nous avons pu commencé à enregistrer. C’était beaucoup plus rapide en termes de finition des pistes.
C’est la capture de la performance. Mais de l’idée originale à la vraie performance enregistrée, il y a beaucoup de changements qui se produisent.
"

Lorsqu’Adrian, Janick et toi enregistrez vos soli de guitares sur des chansons telles que The Red And The Black, écoutez-vous ce que chacun a fait avant de répondre avec votre propre solo ?

"Si l’un des autres gars fait un solo, peut-être qu’on en entend un peu mais en général, on coupe 3 ou 4 secondes avant le début de notre solo et on y va. Mais on n’entend vraiment pas grand-chose donc j’ai été agréablement surpris lorsque j’ écouté l’album – ce qu’Adrian et Janick avait fait que je n’avais pas entendu avant – parce que nous jouons individuellement avec Kevin et travaillons de petites parties. C’est intéressant d’entendre le produit fini"

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Tes soli sont particulièrement instinctifs sur cet album. Ne trouves-tu pas que ta première prise est souvent ta force ?

"Oui, absolument. Ça a toujours tendance à être le cas parce qu’elle est fraiche et spontanée. Sur cet album, je ne suis pas vraiment arrivé avec des idées préconçues  je n’ai rien travaillé à l’hôtel ou ailleurs. J’étais juste dans une sorte de ‘allons-y’ sur la majeure partie de l’labum. Donc je jouais des trucs et Kevin disait ‘Oui, ça sonne bien’.

Et parfois c’était la première prise, et d’autres fois je devais faire deux ou trois choses différentes et m’n aller prendre un café pendant que Kevin mettait tout ensemble. Alors je revenais, j’écoutais le résultat et il demandait ‘Que penses-tu de ça ?’

Puis il faut partir et apprendre pour la tournée. Mais c’est à ça que sert le studio.
Travailler avec Kevin est génial parce que son enthousiasme déteint. Tu t’assieds dans la pièce de contrôle avec lui et il est vraiment excité et dans le truc. Il a tendance à faire ressortir le meilleur de chacun aussi bien dans le groupe entier qu’individuellement.

La règle de base est généralement que la première prise est la meilleure. Vous pouvez continuer et jouer quelque chose qui peut être techniquement mieux, mais on perd le feeling.

Il n’y a pas de règle absolue à la façon dont nous faisons les choses. Si ça sonne bien et si nous aimons, nous gardons. Si non, ça s’en va au paradis magnétique dans la pièce de coupure au montage ! Mais parfois on a eu le cas de faire deux ou trois prises et de décider laquelle était la meilleure".

Fais-tu plus confiance à ton instinct pour tes soli maintenant que par le passé ?

"Je pense que j’ai toujours essayé d’être le plus spontané mais il y a eu quelques albums où j’ai travaillé méticuleusement toute chose avant de les faire : soli, mélodies,… Je m’asseyais et je les travaillais.

Pour quelques parties que nous avons faites, j’ai dû me poser et travailler parce que certaines parties de cordes étaient bizarres à jouer – peut-être jazzy – et ça m’a forcé à aller dans des domaines où je ne vais normalement pas, ce qui est salutaire. J’ai essayé d’être le plus spontané possible.
Parfois tu dois t’assoir et travailler consciencieusement et seulement ensuite tu peux expérimenter
".

Il y a un peu plus de wah que d’habitude pour Maiden dans ce disque…

"Je pense, en réécoutant, qu’il y a beaucoup de pédale wah-wah sur cet album [une Dunlop Cry Baby]. On s’est déchainé avec la wah et la [Fulltone] DejáVibe. C’est sympa d’avoir un peu de delay [Dave utilise une TC Electronic Flashback] parce que, en studio, ça peut être vraiment sec et on a besoin de se sentir dans une situation live où on a cet écho.

Donc utiliser des effets ne nous fait pas peur. Dans les années 80, tu as probablement entendu beaucoup plus de refains dans les chansons de Maiden. Maintenant, il y en a moins et il y a un retour à un son plus brut".

Après 15 ans, comment penses-tu qu’Adrian, Janick et toi-même avez adopté le son à trois guitares ?

"C’est sympa de pouvoir avoir des harmonies à trois guitares, particulièrement en live. Ça a été une évolution naturelle. Lorsque nous avons commencé à jouer à trois, nous jouions la même chose mais sur différentes parties du manche et l’un d’entre nous pouvait jouer clair alors qu’un autre sonnait heavy.
Nous ne travaillons pas cela si durement, mais nous nous posons pour nous assurer que l’intonation est là et que ça sonne bien, que nous ne sommes pas sur des affrontements. Mais la plupart du temps, ça fonctionne très naturellement.

Nous allons travailler sur les pièces complexes et les nuances dans les harmonies. Cela ne signifie pas nécessairement que c’est plus difficile parce qu’il y a trois guitares mais c’est devenu plus musical. Lorsque nous jouons ensemble, c’est un travail d’équipe et il est orchestré pour cela. Je pense que nous nous inspirons mutuellement.

Lorsque Janick, Adrian et moi travaillons quelque chose, c’est très discret – presque acoustique, nous jouons presque à l’unisson. C’est certainement une source d’inspiration, parce que ce sont de grands musiciens".

The Book Of Souls World Tour 2016

Lorsqu’Iron Maiden fait un nouvel album, vous êtes vraiment engagés à le promouvoir dans votre set en concert. Mais régulièrement vous faites aussi des rétrospective dans vos setlists. Penses-tu que vous avez trouvé le meilleur des deux mondes ?

"Et bien, régulièrement nous enregistrons un nouvel album et donc nous partons en tournée avec lui. Au fil des ans, nous avons eu tellement de chansons que c’est devenu plus difficile à choisir chaque fois. Pour la prochaine tournée, nous allons prendre des chansons de The Book Of Souls mais aussi d’autres reflétant les 30 dernières années – et beaucoup de jeunes veulent entendre le matériel plus ancien aussi bien que les nouveaux trucs.

Mais faire un nouvel album nous maintient actuels et valides – il ne suffit pas de jouer les vieilles chansons. Donc, s’il est gratifiant de sortir et de jouer de nouvelles chansons, c’est aussi confortable et fantastique de jouer de vieux trucs.

Il y a beaucoup de souvenirs. Mais les nouvelles chansons nous gardent vigilants ainsi nous sommes certains qu’elles sont au point avant de monter sur scène".

Avec cet album terminé et la guérison de Bruce Dickinson, est-ce qu’Iron Maiden se sent plus fort que jamais ?

"Lorsque nous enregistrions, Bruce avait terminé l’album entier et était absolument bien. Donc lorsque nous avons appris [Bruce a été diagnostiqué d’une tumeur cancéreuse derrière la langue fin 2014], évidemment nous étions sous le choc. Mais nous savions que le pronostic était positif et qu’il allait guérir.

Lorsque nous avons appris, nous avons tout mis en attente et lorsque les nouvelles disant qu’il allait bien sont arrivées – et maintenant il est en pleine forme – nous avons pu reprendre et retourner en tournée. Le groupe est plus fort que jamais et Bruce a toujours été le plus fort d’entre nous. Nous n’avons aucun problème à tourner avec cet album l’année prochaine.

Nous ne sommes plus de première jeunesse mais quand on n’est plus de première jeunesse, il suffit daller plus vite !"

Dave Murray Stratocaster®, Maple Fingerboard, 2-Color Sunburst

Fender a récemment sorti une nouvelle Strat Dave Murray HHH bicolore. Dave explique l’origine de cette idée et les changements qui la rendent plus essentielle pour une guitare live pour Maiden.

"J’avais ma Strat Fender personnalisée depuis environ 15 ans et elle avait des micros Seymour Duncan Hot Rails. Alors Colin, mon technicien guitare, a suggéré de mettre un Seymour Duncan JB Jr en position médiane pour avoir un son plus clair, genre métallique. Et ça fonctionne fantastiquement bien.

Avec le matériel de Maiden, bien qu’il y ait beaucoup de tonalités heavy, il y a aussi beaucoup de sons clairs et donc cette Strat est parfaite.

Pour ce que nous faisons, on peut passer rapidement d’une partie heavy à une autre claire en poussant un bouton. Parce que les choses vont si vite parfois, on n’a pas le temps de réfléchir, il faut agir spontanément".

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